• Expo 36 Denon Cayol

    ↵  archives                                                              

     

    FRANK DENON, FRANÇOIS CAYOL, LE RETOUR À ITHAQUE

     

    Expo 36 Denon Cayol

     

     

     

     

     

     

     

     

     PDF+

    Dossier pour les écoles à feuilleter sur calaméo

     

     


     
    C'est une joie de présenter à la chapelle Saint-Loup le travail de Frank Denon et de François Cayol dans le cadre de la programmation L’invité de mon invité.
     
     
    Le retour à Ithaque
     
     
    « Quand tu partiras pour Ithaque, souhaite que le chemin soit long, riche en péripéties et expériences ».
    Constantin Cavafy
     
     […] Celui qui sait d’où il vient, sait bien où il peut revenir.

    Si Ithaque remplit sa vocation d’île, de refuge, de maison, c’est qu’elle existe en tant que telle pour Ulysse. Il ne la cherche pas, il doit simplement la retrouver. Pourrait-on imaginer un seul instant que ce retour n’était pas le but inéluctable de son périple.

    Cette île d’Ithaque pourrait bien être, aussi, une irréalité que l’on voudrait couvrir d’histoires chatoyantes, de souvenirs et autres faits que l’on se plairait à raconter autour d’une table amicale. Mais le véritable voyageur n’a nul besoin de raconter une histoire, puisqu’il fait l’histoire, qu’il la vit.

    Il imprime son monde intérieur sur le monde qu’il découvre.
    Il l’habille richement de toutes les étoffes dont il se pare lui-même intérieurement. Un même lieu, un même paysage, n’est pas dit de la même façon d’un voyageur à l’autre. Ithaque n’est merveilleuse que dans les yeux d’Ulysse.[…]


    Extrait d'un texte de Frank Denon accompagnant l'exposition présentée du samedi 07 mai au vendredi 27 mai.

    PDF + Télécharger « Celui qui rêve avec un livre à la main- Texte de Frank Denon.pdf »

     

     

     

    Expo 36 Denon Cayol

    Expo 36 Denon Cayol

     Quelques vues de l'exposition

     

    LES INVITÉS

     

     

    Frank Denon est né en 1964, il est graveur et dessinateur.

    Il vit et travaille à Saint Pierre-Lès-Nemours.


    Diplômé de l’École d’Enseignement Supérieur des Beaux-Arts de Bordeaux, il est un des premiers bénéficiaire de la bourse Jean Claude Reynal, l’amenant vers un voyage à Séville en 1992. Il poursuit son voyage en Espagne lors de sa résidence à la Casa de Velazquez, ( 1993 - 1995).


    Son travail de graveur, de dessinateur,  le mène à d’autres résidences de création à la fondation Noésis à Calaceite (1996), à l’Abbaye de la Prée (2001-2003)  ou à l’église Saint-Rémi de Bacalan (2021).

    Frank Denon enseigne la gravure aux Ateliers des Beaux-arts de la Ville de Paris.

     
    Expo 36 Denon Cayol
       

    La grande île bleue - Eau forte sur acier.

         

    Expo 36 Denon Cayol  

     

    Sa pratique s’articule autour de la notion de voyage, celui réel ou imaginaire, celui guidé par ses lectures et celui de la création. Il est passionné depuis longtemps par la géographie nécessaire à la compréhension des histoires, sacrées ou profanes et comme une aide indispensable à la lecture des textes anciens.

    Frank Denon s’intéresse aux îles, il les cartographie comme appréhension d’expériences humaines. Il les invente comme des lieux d’hypothèses utopiques.
    Elles sont tour à tour formes aléatoires, solides entourés d’eau, systèmes clos, objets symboliques et promesses d’ailleurs.

    Dans ses différentes recherches, elles deviennent des villes, murs et enceintes, des labyrinthes, des architectures, des ruines et des textes.

     

     Cadix - Eau-forte sur cuivre
       

     

     

       

    Frank Denon

     

    Des masses aux bords ciselés, des formes en méandres labyrinthiques, des circularités aux croisements plus ou moins centrés, autant de formes closes, isolées et flottantes.

    Il y a comme des îles, des îlots qui peuvent appartenir à des villes, des forteresses, des citadelles, un château.

    Des formes dont on pressent qu’elles représentent des espaces naturels ou architecturés, limitées en leurs dimensions, de celles dont un marcheur pourrait faire le tour.

    Aucune échelle cependant ne viendra en préciser la mesure, pas plus que ne seront décrites les caractéristiques d’un milieu.

    Des indices sont souvent inscrits sur les supports employés comme un semblant de repères topographiques, quand ce ne sont pas des parties de cartes géographiques qui transparaissent. Certaines gardées en grande partie vierges nous entraînent à appréhender une étendue plus vaste, lisible, une région.

    Des lieux parfois nommés, certains bien réels, d’autres relevant de la fiction littéraire, d’autres encore dont le titre nous déplace vers une question posée au regard, une interrogation plastique. Certaines configurations plus énigmatiques trouvent leur forme de l’association d’éléments divers qui auraient pu appartenir à un site et viennent le signifier : démarche archéologique.

    Frank Denon prend ses aises avec les lieux.

    Leur représentation s’articule d’un langage qui associe le dessin qui est imitation, les plans, les cartes, les motifs décoratifs simples et le texte.

    Ce qui les définit par la géographie, la géologie, l’habitat, les traces de présence humaine tout à la fois. Autant d’éléments qui nourrissent la connaissance à distance sans que ne soit nécessaire le déplacement vers ce qui l’attire : les régions méditerranéennes, l’antiquité grecque qui infusent, infiltrent la création.

     

    Si voyage il y a il est dans l’aventure de la gravure, technique artistique ici privilégiée. Medium particulier qui fractionne le travail en autant d’étapes successives, des premiers gestes sur une plaque à l’encrage, puis la mise sous presse qui dévoilera l’image, enfin visible. Autant de moments comme autant de trajets, qui peuvent emprunter bien des routes différentes dans le choix des techniques, des encrages, des supports, des tirages parfois pour un même projet.

    Ça peut être aussi un motif similaire, étudié dans la simplicité d’un tracé linéaire qui se déplace vers la largeur noire d’un signe volumétrique. Passage du plan à un nouveau point de vue qui s’approcherait d’un semblant de réalité, se confronterait à la construction.

     Les lieux de Frank Denon, s’ils existent, avant tout s’inventent.

    Le texte littéraire, poétique, la langue du géographe ou la démarche de l’archéologue, nourrissent un travail à distance spatiale et temporelle, exploration nourrie de la multiplicité des approches.

    Ses territoires se bâtissent de moments choisis dans les codes que se sont donnés les hommes pour transmettre leurs connaissances, leurs perceptions, leurs émotions vis à vis des régions du monde découvertes, traversées, explorées.

    Voyage en abstractions qui laisse une part de mystère, maintient une curiosité alerte, laisse libre cours aux choix de représentations.

    Chercheur plus que voyageur, il bâtit des figures de projection vers cet ailleurs rêvé, tenu à distance, un désir poétique reconduit.

     

     

    ©Claire Paries

     

     

     

      

    François Cayol est né en 1954, il passe son adolescence en Hollande. François est graveur et dessinateur.

    En 1974, il s’installe à Aix-en-Provence où il travaille à l’Atelier d’André Bourdil. En 1976, il devient l’élève de Louis Calevaert Brun, éminent maître graveur à Paris, alors âgé de plus de 80 ans, qui lui enseigne les techniques classiques de la gravure.
     
    En 1978, François Cayol parcourt l’Afrique de l’Ouest et réalise ses premiers dessins de paysages du fleuve Niger et du Mali.

    Il séjourne dans différentes résidences, au Château de Lourmarin, en (1986), à la Casa de Velázquez à Madrid (1992-1994), à l’Abbaye de la Prée (2000-2005). 

     

    Expo 36 Denon Cayol

        Paysage - Dessin- 2015
         

    Expo 36 Denon Cayol

     

    Durant ces années, François Cayol, retourne régulièrement travailler en Espagne et au Maroc. Il voyage pour dessiner en Tunisie, en Turquie, au Yémen, aux Açores, en Laponie, en Islande et au Canada.

    Depuis 2010, il vit alternativement dans ses ateliers à Paris et en Auvergne. Les voyages de dessin se poursuivent en Iran, en Mongolie, à Oman, en Inde, en Colombie, au Pérou et en Géorgie...

    C’est au cours de ces voyages d’hiver dans le Maroc saharien, dès 1980, qu’il entreprend  ses premiers long dessins sur le motif, c’est à dire à l’extérieur, dans la nature, devant le sujet. Ces mois entiers dans la nature, lui donne le goût de la connaître mieux. Il trouve sa voie en tant qu’artiste : pour lui, l’art du dessin procède de celui du voyage. Son atelier s’appelle le monde.

    Son œuvre comprend plusieurs milliers de dessins et de pointes sèches. 

     

     

    Visiter le site de François Cayol

     

    Lys sauvage dans le Caucase, nord de Gelati - Pastel - 2018

       

     

     

       

    François Cayol

     

    Très peu de choses : un crayon et une feuille de papier suffisent.

    Pour la transporter, l’appuyer et assurer le trait, un carton à dessin.

    Une mine de graphite vouée aux gammes de gris.

    Parfois, timidement dit-il, il ajoutera la couleur d’un pastel ou d’une terre empruntée au lieu pour faire plus vrai.

    Et aussi une gomme dont il confie l’usage, avouant par là même l’incapacité, le mécontentement, l’échec du moment et la nécessité de remettre au lendemain.

    (…) « je reprenais les mêmes traits que je gommais et regommais sans cesse. En panne là-haut sur une branche, je n’arrivais pas à sauter sur la suivante, qui n’était pas bien loin pourtant. »

    François Cayol , Dessins nomades 1, P74.

    Dans les carnets écrits et dessinés il observe et nomme plantes, insectes, oiseaux, animaux, objets, personnes. Il montre et raconte les rencontres du Mali à la Mongolie, de la Tunisie à l’Inde, de la Provence au Maroc et bien d’autres lieux encore.

    François Cayol voyage, séjourne, dessine un peu partout dans le monde.

    Très peu de moyens et peu d’ambition : juste dessiner ce qui peut s’observer, ce qui se voit.

    Quoi de plus simple à priori ?

    Il faudra d’abord isoler une partie d’un continuum traversé qui s’étire dans la durée : successions contigües de moments qui sont autant ce qu’on perçoit devant soi que ce qu’on laisse derrière soi, ce qui pourrait se tenir sur sa gauche ou vers sa droite, ce qui pourrait surgir en scrutant en profondeur loin là bas.

    Ce jusqu’à la rencontre avec ce qui fera motif : réduction du monde à un instant limité, borné, qu’il faudra cantonner à une surface légère et dans l’oubli consenti de tout le reste.

    Il y a dans les dessins de François Cayol des étendues qui s’étalent les unes après les autres successivement, il y a des étendues qui s’enfoncent dans une profondeur marquée par une route, un sentier encourageant au cheminement. Il y a des surplombs qui plongent en des vallées profondes, d’autres qui emportent le regard si loin là bas que le paysage a changé de nature.

    Il y a des jardins et des déserts.

    Il y a la présence de ces villes, villages, édifices, ruines, bancs ou fontaines, activités humaines parfois, qui pour certains nous emportent en un ailleurs.

    Et parfois le sujet se limite à un seul arbre.

     

    Représenter un fragment d’espace choisi nécessite de l’apprivoiser, le saisir, le comprendre du regard pour le retenir, l’emporter, le déplacer en quelques lignes, traces, additions de traits.

    Le regard est ici d’une infinie patience : heure après heure, jour après jour, semaine après semaine, parfois un mois durant François Cayol revient sur le même motif.

    Les variations météorologiques ou les alternances lumineuses, toutes ces particularités d’apparition d’un paysage ne peuvent être que rarement retenues, chaque heure, chaque jour effaçant le précédent.

    Il y aura cependant le moment choisi pour achever le dessin, porter les derniers accents observables qui font tourner la forme en la bonne forme.

    Chaque dessin condense ainsi bien des temps successifs.

    Cette prévenance très particulière vis-à-vis du motif où le dessinateur se fait l’obligé de son sujet en lui accordant tout son temps l’entraîne dans une observation particulière. Celle qui une fois posé l’ensemble en ces grandes lignes, lui permet de naviguer d’une partie à l’autre, détaillant parfois chacune d’elle autant que la précédente, accrochant ce qui est près à ce qui est loin, séance de travail après séance de travail.

    « aller me percher dans les endroits les plus exposés et les plus sauvages pour dessiner comme un miniaturiste. »

    François Cayol. Dessins nomades 1, p 79.

    Ainsi dans des fourmillements de traits appropriés à chaque fois, les arbres détaillés en leurs configurations et feuillages viennent s’accoler au plan des roches, des rochers ou des plis des montagnes.

    Parfois l’accalmie d’une surface grisée accordée par un plan d’eau ou un champ labouré, un blanc laissé au ciel.

    Parfois l’ellipse d’un premier plan qui fait sauter le regard là où seront décrits les plans suivants ou l’intérêt marqué pour un motif et ses entours dans l’ensemble du paysage regardé.

    L’ambition de François Cayol paraît simple : juste dessiner le monde. (Ou le graver. La gravure a été première dans son histoire personnelle.)

    Mais on l’aura compris, pour ce faut-il encore en avoir le désir, posséder la curiosité, l’ouverture d’esprit.

    Il faut une disponibilité, une patience, une humilité infinie. Il faut savoir y insister pour arriver au moment où ce monde agité continûment sous le regard vous accorde un moment de grâce où il rend l’âme provisoirement pour un simple dessin.

     

     ©Claire Paries