• Expo 17 Les revenants, Lien Botha

    ↵ retour  

     

    LES REVENANTS, CONSTELLATION DU TOUT-MONDE

     

    Expo 17 Les revenants, Lien Botha

     

     

     

     

     

     

    Un parcours construit par 12 artistes internationaux, avec leurs outils et leurs langages qui interrogent le rapport de l’histoire, de l’esclavage et de la colonisation avec le territoire de l’estuaire. 

    Les œuvres imaginées par chaque artiste ont trouvé leurs écrins d’accueil où elles seront ensuite exposées le temps de l’été le long des rives de la Garonne, de la Dordogne, et de la Gironde.

    C’est avec fierté que la commune de Saint-Loubès s’associe à ce parcours culturel proposé tout l’été.

    En savoir + :  +  Télécharger le livret 16 p, Les revenants l'exposition > ici         

     

     Télécharger le PDF du projet pour Caverness

     

     

     

    Expo 17 Botha&les tricoteurs

    © Catherine Gaulmier.
     

     

    J'ai invité Lien Botha qui invite les Loubésiens à venir tisser d'autres liens.

    Lien Botha est née en 1961 en Afrique du Sud. Elle a d’abord étudié des langues à l’Université de Pretoria et a travaillé comme photographe de Presse pour Beeld avant de déménager à Cape Town en 1984 où elle a obtenu un diplôme des Beaux-arts en 1988.

    Son intérêt aux différentes techniques plastiques alternatives, comme la gravure, la peinture et la sculpture, a déterminé la production de son travail pendant les deux dernières décennies. À ce jour, elle a participé à 85 expositions Sud-Africaines, 40 expositions internationales et neuf expositions individuelles lui ont été consacrées.

    Lien Botha a imaginé des dispositifs différents dans plusieurs sites pour la manifestation Les revenants. Durant sa première résidence artistique lors de l'été 2014, elle était notamment à la recherche d'indices visibles à Bordeaux et sur le territoire girondin du passage des Hollandais au 17ème siècle. Lien Botha interroge l'histoire, sonde son écho toujours changeant. L'artiste Sud africaine révèle par petites touches sensibles combien nos sociétés sont construites de flux et de reflux d'influences mutuelles. 

     

    Voir le site de Lien Botha 

     

     

    Expo 17 Botha & les tricoteurs   Expo 17 Botha & les tricoteurs   Expo 17 Botha & les tricoteurs
             
    1/Witdraai, Kalahari, South Africa, 2012   2/Swimming Pool, Tankwa-Karoo, South Africa, July 2013   3/Witdraai, Kalahari, South Africa, 2012

     

     

    Une création pour Cavernes

    L’arbre de la liberté de tout le monde 

    Dans le cadre du parcours culturel Les revenants constellation du tout-monde, et de la programmation de la chapelle Saint-Loup, l’artiste Sud Africaine Lien Botha sera accueillie en résidence aux ateliers du Prieuré au mois de mai. L’artiste propose de réaliser, avec les habitants une installation pour l’arbre de la liberté à Cavernes*. 

    Lien Botha envisage de soigner symboliquement ce vieil arbre et ce qu’il représente en tricotant ensemble un grand pansement. 

    Ces ateliers sont ouverts à tous et toutes, adultes et enfants, que vous sachiez tricoter ou non. La laine sera fournie, amenez des aiguilles, nous en avons quelques unes. L’idée étant de fabriquer tous ensemble des morceaux de tricots blancs, que nous assemblerons pour réaliser un pansement de 400 cm X 360 cm. Un motif bleu aux couleurs des faïences de Delft viendra rythmer l’ensemble. 

    Cette installation sera inaugurée le mercredi 20 mai 2015, à 17 h à Cavernes

    *La coutume de l’arbre de la liberté remonte à la Révolution de 1848  ( fin du règne de Louis Philippe, et l’avènement de la Seconde République). Cette renaissance de la République fut fêtée en France où l’on renoua avec la coutume de l’arbre de la Liberté qui s’était implantée en 1790. L’essence de l’arbre n’étant pas imposée, Cavernes planta en 1878 son « chêne du centenaire ». L’arbre est toujours debout, malgré son amputation causée par le bombardement de 1944. 

     

     
    Voir le reportage quotidien de l'atelier participatif jusqu'à l'inauguration
     
    Expo 17 Les revenants, Lien Botha
     
    Mercredi 13 mai, dans le jardin de la chapelle avec Lien Botha
     

       Jour 1, le 11 mai 2015      Jour 2, le 12 mai 2015      Jour 3, le 13 mai 2015    Jour 4, le 14 mai 2015    Jour 5, le 15 mai 2015   

     Inauguration, le 20 mai 2015 

     

     

    À travers le projet de Lien Botha, dont les origines Hollandaises constituent son histoire individuelle, il est question d'une trajectoire à rebours, d'un retour vers une destination de départ.

    J'ai demandé à Alain Charlier, professeur d'histoire, d'apporter un éclairage sur d'anciennes circulations. Alain raconte l'histoire de Joseph Bordeaux, un qui n'est pas revenu.

     

     

    HISTOIRE DE JOSEPH BORDEAUX, UN DE CHEZ NOUS QUI N’EST TOUJOURS PAS REVENU.

     

    Je me nomme Joseph Bordeaux et je suis Hollandais.

    Les archives de la Chambre de Zélande gardent la trace de mon engagement en 1742 comme soldat dans les troupes de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, la Vereenigde Oost-Indische Compagnie ou VOC*.

    Ces mêmes registres notent aussi que je me suis embarqué à Rammekens, le port de la ville de Middelburg, capitale de la province de Zélande et l’une des 6 chambres de commerce administrant la VOC.

    Je me nomme Joseph Bordeaux mais je ne sais ni où ni quand je suis né.

    Mes origines sont à rechercher vers la basse vallée de la Dordogne, là où tu te tiens aujourd’hui, entre Sainte-Foy la Grande, Libourne et Blaye, pays de mes parents huguenots qui ont fui la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 et les persécutions qui ont suivi. Dans les Provinces-Unies, l’arrivée des huguenots fut massive. Peut-être 80.000 réfugiés, familles et villages entiers sous la direction de leurs pasteurs. Les fugitifs venus par voie de mer s’établissent surtout dans les provinces maritimes de l’Ouest, là où ils abordent leur nouveau refuge. Les protestants venus de Bordeaux s’installent en majorité à Rotterdam. Je suis l’un des leurs, je conserve mon nom d’origine mais je m’apprête à endosser l’uniforme de l’armée de la VOC pour reprendre la mer, et le large. Suis-je né à Bordeaux ? Sur la terre ou sur la mer ?

    Le navire se nomme le « Schellak ». C’est une flute hollandaise de 145 pieds de long et d’un port de 850 tonneaux, un « retourschepen », bateau du retour pour ceux qui revenaient…. Moi, je ne suis pas revenu. Le type de ces navires puissamment armés et solidement construits qui firent jusqu’à l’admiration des Anglais, connaisseurs en la matière, qui les nommaient « Indiaman », l’homme des Indes. Sa construction fut achevée en 1736 à Middelburg, où il fut mis à l’eau pour une carrière assez courte puisqu’il disparut à la mi-1752 entre les îles Banda (Moluques) et Batavia. Naufrage sur un banc de sable pour quelques perles, graines de poivre ou de cannelle. Nos vies sont-elles construites avec ce même sable ?

    Je me suis embarqué le jeudi 1er novembre 1742 à destination de cette Batavia fabuleuse sous l’autorité du Capitaine Anthonie Uiterschouw. Avec l’équipage, les passagers et les soldats du bord, dont je suis, nous formons tout un monde de plusieurs centaines de personnes. Sur le malheureux « Batavia », sistership de mon « Schellak », ils étaient 351 lorsqu’ils firent naufrage sur l’archipel des Abrolhos de Houtman avant de subir la folie de Jeronimus Cornelisz.

    Nous avons mouillé dans la baie du Cap, au pied de la Montagne de la Table le vendredi 1er mars 1743, puis repris la mer le 16 mars, passé la longitude du Kaap de Goede Hoop et fait route en droiture vers les côtes de l’Australie avant de remonter plein nord vers l’île de Java. Nous avons atteint le port de Batavia, capitale des Indes néerlandaises, le mardi 28 mai 1743 à l’issue d’une navigation de 208 jours depuis notre départ des Pays-Bas.

    Je me nomme Joseph Bordeaux et je suis aussi mort à Batavia le 16 septembre 1743, 4 mois après notre arrivée dans la colonie. Je ne sais pas de quoi je suis mort. Ni où précisément, ni pourquoi. Maladie, mort violente, suicide ? Peu importe… je suis passé du côté du Hollandais volant et dorénavant je reviens naviguer dans ton imagination, pour le meilleur et pour le pire.

    Aujourd’hui, toi qui lis mon histoire, tu me portes en toi comme autrefois la mer m’a porté jusqu’au bout de ma vie. Joseph Bordeaux, parti de Zélande, passé au Cap, mort à Batavia. Il faut peu de mots pour résumer une vie dans les registres, mais peu d’imagination suffit pour ressentir ma présence sur la « mer de Bordeaux », celle qui s’avance jusqu’à tes yeux et qui nous relie à travers le temps et l’espace. C’est toi qui me fais revenir au monde, Joseph Bordeaux, marin hollandais des sept mers.

     

    *[Nationaal Archief (Pays-Bas), Compagnie néerlandaise des Indes orientales, archives 1.04.02, numéro d'inventaire 12998, folio 325].

    Batavia, son nom actuel est Jakarta, capitale de la République d'Indonésie.

     

    Expo 17 Les revenants, Lien Botha